L’image comme support d’aide à la décision

Pour beaucoup d’enfants avec autisme ayant accès au langage oral, prendre la parole demeure couteux. J’entends par là que chaque prise de parole est un défi pour se faire entendre et comprendre, comparable à un effort physique pour un sportif. 

Parler, converser, semble naturel mais fait en réalité, appel à une somme de compétences sociales souvent altérées chez les personnes ayant un trouble du neurodéveloppement :

Regarder son interlocuteur dans les yeux

Écouter

Respecter le tour de rôle

Utiliser des mimiques faciales adaptées aux émotions (les siennes et celles de l’interlocuteur)

Rester attentif

Adapter le son de sa voix au contexte

Comprendre l’implicite, l’humour

Passer par le visuel facilite la communication réceptive et expressive

Dans le cadre de ma pratique d’éducatrice avec des enfants porteurs d’autisme et/ou de troubles de l’attention, je me sers beaucoup des banques de pictogrammes en ligne.

Je vous présenterai dans un prochain article la plateforme Arasaac, une référence en matière de communication augmentative et alternative (C.A.A.)

Communication réceptive : je comprends ce qu’on me dit, ce qu’on me demande

Younes arrive à 8h30 à l’Institut Médico Éducatif. Il a fait son trajet domicile-I.M.E. en taxi avec d’autres enfants. Il a été exposé aux bruits de la circulation,  aux mouvements et sons des autres enfants, à des odeurs, dans un environnement confiné, peut-être même à l’émission de radio écoutée par le chauffeur …

Je suis chargée de son accueil ce matin. Je suppose que ce moment a été coûteux pour lui. Je vais lui laisser le temps d’arriver et limiter ma communication orale pour éviter une surcharge sensorielle.  

Dans un premier temps, je vais plutôt utiliser des pictogrammes pour lui faire passer mon message, lui présenter son emploi du temps, utiliser un séquençage pour lui rappeler les consignes…

L’image a deux avantages sur la parole :

L’image fait trace et demeure : important pour les enfants ayant un trouble de l’attention. L’image est là, je peux y revenir si j’oublie ce que je dois faire, quel est le prochain atelier sur mon emploi du temps,…

L’image ne change pas. Elle est prévisible donc sécurisante : contrairement à un discours oral (dont la formulation peut être différente, le ton de la voix varier, comme l’humeur de la personne et ses mimiques faciales, ..)

Communication expressive : je transmets des informations

Si l’image facilite la communication, elle peut aussi être une aide à la décision, au choix.

Après le repas, les enfants ont un temps calme au sein de la pièce de vie. C’est un temps où ils sont invités à se poser avant la récréation et son agitation.

Occuper ce temps un peu informel, de transition peut être difficile pour certains. C’est le cas de Louisa qui a du mal à se poser, à choisir une activité seule ou de groupe. Quand je lui demande ce qu’elle veut faire, elle a du mal à répondre : elle choisit toujours la même activité ou imite un camarade sans réelle motivation.

Premier réflexe, j’énumère oralement la liste des choix possibles : se reposer au coin détente, écouter une histoire audio, manipuler des objets sensoriels, … Je lui donne trop d’informations à la fois et elle n’est pas capable de recevoir un message clair … donc de me répondre avec succès.

Avec ma collègue, nous pensons qu’un support visuel pourrait faciliter la communication. Nous créons une fiche plastifiée présentant à l’aide de pictogrammes les activités  à choisir sur le temps calme. Ce support, à disposition des enfants est un outil de communication améliorée :

Il complète la communication orale de l’éducatrice : Voici les activités que tu peux choisir sur le temps calme. Le message est plus clair pour Louisa grâce au visuel.

Il l’aide dans sa prise de décision (sans besoin de la guidance de l’adulte) et la rend plus autonome.

La guidance orale (quand l’éducateur ou le parent rappelle à l’enfant ce qui est attendu) est l’étayage le difficile à enlever par la suite. L’enfant aura tendance à se reposer sur l’adulte, à s’appuyer sur cette guidance au lieu de se saisir d’outils, de se faire confiance pour agir seul. Utiliser une guidance visuelle diminue ce risque.

L’éducation spécialisée est un domaine passionnant qui nous pousse  chaque jour à nous questionner, à imaginer d’autres manières de communiquer, d’être en relation.

 N’hésitez pas à partager vos expériences et les outils de C.A.A. que vous utilisez.

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